A la mémoire de Tarno*
Après un article paru dans Positif en 1993 (n° 394, p. 40-47) consacré au film Jurassic Park, dans lequel Jean-François Tarnowski se livre à une étude thématique à tendance psychanalytique du récit intitulée « Cette autre préhistoire en nous, l’enfance… », le film de Steven Spielberg, qui a fait rêver le grand public dans le monde entier, n’a pas épuisé l’intérêt et les questions du spectateur averti. Chercher à décoder techniquement ce qui fait le succès du film d’aventure, caractéristisé par une forte tension dramatique requiert deux choses :
trouver d’une part, LE film, voire LA séquence qui se prête le mieux à l’analyse de la stratégie mise en œuvre, d’autre part, les clés utilisées par le réalisateur pour convaincre et entraîner l’adhésion du public, afin de mieux comprendre comment la technique se transforme en affect. Jurassic Park est de ces films qui foisonnent de séquences dont l’analyse permet au curieux de goûter quelques-uns des traits du génie de la réalisation. Il est proposé ici l’analyse plan par plan du cadrage, du découpage, de l’articulation des plans, de la transgression des règles à partir d’une séquence : celle de la découverte des premiers dinosaures par l’équipe d’experts emmenée par le concepteur du parc John Hammond ; à quoi sont ajoutés quelques notes décryptant le traitement de la bande originale, signée John Williams.
Synopsis: John Hammond, PDG ambitieux d’une puissante compagnie parvient, par la technique du clonage, à redonner vie à des dinosaures. Il réalise son objectif : créer, sur une île, un parc d’attraction d’un genre totalement inédit qui propose aux visiteurs de faire un grand bond dans le Jurassique. Peu avant son ouverture, il emmène un groupe d’experts sur le site afin d’obtenir son aval. Au cours de la visite, une tempête éclate, un informaticien corrompu par une entreprise rivale en profite alors pour couper les systèmes de sécurité afin de dérober des embryons de dinosaures. Ce faisant, les dinosaures se trouvent livrés à eux-mêmes… La séquence de la visite : Les principaux protagonistes arrivent en Jeep sur les lieux : Le professeur Grant, paléontologue accompagné du Pr Sattler, paléobotaniste, le professeur Malcolm, mathématicien spécialisé dans la théorie du chaos, ainsi que le représentant des actionnaires de la société, Donald Gennaro. Sans oublier, le PDG, J. Hammond. L’argumentation thématique choisie par Spielberg pour entraîner le spectateur dans cette fiction est la suivante : parvenir à faire valider par les scientifiques, seule communauté crédible, la réalité de l’existence des dinosaures. Le découpage adopté sera la solution-clé du raccord, et tiendra compte de la Règle du point de vue : raccord pour les CUTS francs car indispensable pour rendre la scène percutante. Respect de la règle du point de vue, pour créer une dynamique et entraîner le public dans une amplification dramatique de la séquence. Mais là, Spielberg va se montrer bluffant et jouer coup double : il va à la fois obéir à la règle et en prendre délibérément le contre-pied. Transgresser la règle du point de vue ? A l’instar d’Hitchcock, Spielberg est peu coutumier de cette pratique ; il en fait un usage rare mais néanmoins très personnel puisqu’elle apparaît dès ses premiers films (Rencontre…, Duel…) Dans la séquence présentée ici, ce n’est pas une, mais trois fois que le cinéaste transgressera cette règle… Concernant le cadrage, rappelons la règle du nombre d’Or, dont la règle des tiers découle. En photo, le nombre d’Or, défini par un architecte de la Rome antique dans une visée esthétique, tient à la prééminence du placement du sujet dans le cadre, à travers un nouveau critère : la division inégale et dissymétrique des espaces. Mathématiquement parlant, la proportion idéale est 1.618. Le format de ce film est de 1.85, ce qui n’est pas loin du chiffre – les formats répondant à la règle du nombre d’Or, à savoir : 13 x 21 cm, 18 x 30 cm, 24 x 39 cm sont proches des standards de la photographie… Cette règle du nombre d’Or a permis d’établir des lignes imaginaires qui découpent l’image en trois parties égales, à l’horizontale et à la verticale. Ainsi, ce qui se trouve placé sur les lignes paraîtra équilibré et ce qui est placé au croisement de ces lignes, appelé également le point d’Or, attirera davantage l’attention.
Nous allons souvent donner référence de cadrage au fonction du point d’Or.
Plan 1
Plan Large: arrivée des Jeep:
L’image est divisée en 1/3 – 2/3, les voitures sont placées sur la ligne de force horizontale inférieure. La terre est plus présente que le ciel : l’action se déroule donc sur terre. Le mouvement des véhicules vers la caméra pointe le contraste du rouge des Jeep sur le fonds vert de l’image : il annonce un événement imminent dans une grande détermination
– cela est accentué par la dynamique introduite par la musique (1).
Plan large : Avancée de la 1ère Jeep vers la caméra
Sur le plan 2, la coupe intervient à l’avancée de la 1ère Jeep, ce qui assure la fluidité entre les 2 plans. L’avancée vers la caméra confirme l’imminence de l’action annoncée dans le plan précédent. Au plan 2a, la Jeep est placée sur la ligne de force droite, au plan 2b, c’est le PDG Hammond qui est placé sur le point d’Or supérieur droit. La musique s’arrête, à la fois pour laisser place aux dialogues et pour reprendre plus tard avec un changement de thème.
Plan large : Avancée de la 2e Jeep vers la caméra
Reprise du plan 2, la 2e Jeep suit la voiture guide de Hammond : la caméra obéit aux mêmes critères de cadrage et de grosseur. Un son léger de klaxon de voiture se fait entendre.
Plan moyen : Zoom sur le Pr Alan Grant
Le changement soudain de l’axe du mouvement et des regards induit un changement de situation. Néanmoins, le point de coupe est presque invisible, ce qui maintient la fluidité de l’enchaînement. La reprise se fait sur la posture même dans laquelle se tenait le professeur au plan précédent, pour appuyer son attitude : malgré ses lunettes, on devine son regard absorbé par quelque chose. Le zoom, en plan moyen, va crescendo et accentue cette attitude, évoluant vers un plan plus serré, donc plus dynamique. La musique reprend sur un thème plus grave, comme une mise en alerte (3).
Gros plan sur le Pr Grant
Le changement soudain de l’axe annonce un changement de situation : le professeur se lève et se place à la hauteur de la caméra, ses yeux sont placés sur le point d’Or supérieur droit. Cette fois-ci, il enlève ses lunettes et laisse voir une expression hallucinée : la puissance de l’articulateur de point de vue (1) démultiplie l’effet dramatique, laissant planer le suspense sur cette chose mystérieuse dont il est le seul témoin.
Plan rapproché sur la poitrine du Pr Ellie Sattler
Le professeur Sattler observe attentivement une feuille. Il s’agit là d’un des nombreux artifices employés par Spielberg contribuant à la tension, par effet de diversion : elle s’extasie devant une feuille qui provient on ne sait d’où…
Plan coupe rapproché Poitrine
Le professeur Grant tend la main pour tourner la tête du Pr Sattler… Le geste remplace la parole, les mots lui manquent pour exprimer ce qu’il voit.
Plan rapproché sur la poitrine sur le Pr Sattler et du Pr Grant
Au ralenti, la main de Grant touche pour la deuxième fois la tête du professeur Sattler, cette répétition délibérée du geste a pour but de tenir le spectateur en haleine. Au début du plan, les yeux de Sattler, masqués derrière ses lunettes, sont sur le point d’Or. Puis, elle enlève ses lunettes, ce qui donne à voir son regard, sidéré. Enfin, les yeux des deux protagonistes se trouvent sur les deux points d’Or supérieurs : leur regard ne fait qu’un devant la scène qu’ils découvrent. Fait rarissime, c’est la cinquième fois depuis le début de la séquence qu’on voit les articulateurs de point de vue, sans voir le point de vue lui-même ! Un commentaire s’impose sur l’artifice utilisé par Spielberg : les deux confrères semblent être témoins d’une apparition : serait-ce un OVNI, ou E.T., phénomènes chers au maître de l’extraordinaire ? Leur regard projeté à quelques mètres devant eux seulement ne permet pas d’envisager autre chose d’un objet de petite taille, et pourtant… Maître de cette apparente incohérence, Spielberg oblige le spectateur à retenir son souffle, avec la promesse d’un effet de surprise garanti. La musique grave et inquiétante s’arrête précisément à la fin de ce plan.
Plan large:
La découverte : un brachiosaure de 30 à 50 tonnes, d’une longueur de 25 mètres, l’équivalent d’un troupeau de dix éléphants ! Voilà l’artifice utilisé par Spielberg qui s’amuse du spectateur, car la question demeure : comment se peut-il que ces spécialistes des dinosaures n’aient pas vu plus tôt l’objet de leurs désirs alors qu’il se trouvait si près ?! Encore plus zélé : le cinéaste fait croire au spectateur que, dans la précipitation, le chef opérateur n’a pas eu le temps d’ajuster sa caméra ; l’image ici est délibérément mal cadrée, bancale, afin d’insister sur la taille démesurée du dinosaure impossible à faire entrer dans le cadre… Sous le hurlement rauque du gentil dino, on voit la caméra tenter en vain une manœuvre pour recadrer la tête du phénomène, en même temps qu’est lancée une mélodie chaude et tendre… (3) Observons maintenant quel flagrant délit de désobéissance aux règles Spielberg va commettre : la transgression de la règle du point de vue. Petit rappel de la règle : un articulateur de point de vue ne peut pas entrer dans son champ de vision. Ex. : je peux voir mes amis en train de jouer au foot mais je ne peux pas me voir moi en train de jouer au foot avec eux, cela constituerait un faux raccord. A moins que… je rêve, car alors je peux me voir entrain de tout faire, et même rêver. C’est précisément le cas ici : les professeurs entrent dans leur propre point de vue, ils sont entrain de rêver les yeux ouverts devant cet animal incroyable, et le découpage (2) opère une subtile et géniale transgression rendue quasiment invisible par l’effet dramatique de l’action. Comment Spielberg réussit-il ce tour de force ? En appliquant la règle des trois actions : hurlement du dino et reprise de la musique ; mouvement panoramique de la caméra ; changement de plan (la transgression du point de vue). Ainsi, en répétant 5 fois les articulateurs de point de vue, le réalisateur plonge le spectateur dans l’état mental des scientifiques qui sont dans une autre dimension.
Plan d’ensemble
Ici, retour à la normale avec un plan d’ensemble objectif. Les protagonistes sont placés sur la ligne de force gauche. Ils descendent du véhicule et par un léger mouvement pano•ramique, on les voit approcher l’animal, de si près qu’ils font, dans un seul plan, presque corps avec lui. Ils sont sur le point d’Or inférieur droite et le dinosaure déborde toujours du cadre : cela signifie qu’il est tellement gigantesque qu’on ne peut pas le cadrer entièrement. Le plan est orienté en contre-plongée pour mieux rendre la disproportion hommeanimal-réalité.
Plan rapproché taille
Comment les autres protagonistes réagissent-ils à l’événement ? Excepté le banquier, personnage ancré dans le réel et les calculs de rentabilité – et à qui le cinéaste réserve un sort funeste (il sera dévoré par un T-Rex) –, tous les personnages portent des lunettes : en effet, pour faire face à la réalité, il faut parfois être équipé d’une protection symbolique ! (un usage fréquent chez Spielberg : Denis Weaver dans Duel, Truffaut dans Rencontre…) Hammond avance vers la caméra : son regard est posé sur la ligne de force supérieure, ce qui marque son attitude déterminée et satisfaite. Passant devant la caméra qui fait un mouvement panoramique, il laisse la place au professeur Malcolm dont le regard, comme celui du conducteur, garde-chasse du parc, sont placés la ligne de force supérieure. En revanche, ici pas de transgression de point de vue car le théoricien du chaos a déjà compris que le PDG est parvenu à réaliser le plus improbable !
Plan américain – Plan rapproché taille
Retour sur les scientifiques qui poursuivent leur pèlerinage devant l’animal. Sur le plan N°10b, ils se trouvaient à la hauteur des pattes avant du dinosaure, dans une démonstration scientifique. Sur ce plan, le mouvement reprend sur leur avancée depuis la queue de la bête, comme s’ils n’arrivaient pas à cerner leur découverte. L’impressionnante et très exagérée contre-plongée montrant les deux collègues collés l’un à l’autre qui se protègent, vise encore à insister sur l’immensité de la découverte
Plongée rapprochée taille
Un raccord dans l’axe opposé renforce la différence de taille entre les humains et le dinosaure. Les trois protagonistes ont les yeux alignés sur la ligne de force supérieure, les professeurs sont placés sur les deux points d’Or supérieurs, et le Pr Grant introduit le changement de plan par une sortie du cadre par le bord inférieur droit : se précipitant dans son point de vue, il entre dans son imaginaire.
Plan général
Voici une autre transgression de point de vue : les protagonistes sont encore dans leur champ de vision. Cette fois-ci, la réalité devient peu à peu intelligible et laisse place à l’émerveillement : Et enfin, l’opérateur parvient à reprendre son souffle et à mettre le dinosaure entier dans le cadre ! Le début du plan applique encore la règle des trois actions : hurlement de la bête, relance du thème principal de la B.O. et léger panoramique afin, de nouveau, de rendre invisible la transgression de point de vue. Quand le dinosaure se lève pour manger des feuilles, la musique monte en volume, et quand ses pattes retombent à terre, l’image tremble comme la terre, par un effet de déséquilibre de la caméra sous le poids du géant. La musique monte à nouveau en volume et ferme le thème.
Plan rapproché poitrine zoom – Gros plan
Ici, deux points de vue croisés, pour attirer l’attention sur les autres témoins : le banquier, déjà pris dans le calcul de la fortune que va dégager le parc ; le mathématicien et le garde-chasse qui ont les yeux dirigés sur la bête
Plan américain
Plan fixe qui met en valeur les deux chercheurs : ils sont en 1ère ligne dans la profondeur de champ, et leurs têtes sur la ligne de force supérieure, rejetant Hammond en 2e position et les autres en fond de champ.
Plan rapproché taille et Gros plan
Coup de théâtre : Hammond entre dans le champ par la gauche, s’approche du Pr Sattler par derrière et annonce : « le Tyrannosaure Rex, à 50 Km/h », produisant un effet de surprise 100 % garanti ! Deuxième choc : un effet dramatique est amené par l’entrée du Pr Grant, par la droite en gros plan, le regard incrédule et plein de défiance, puis sa sortie du champ par la gauche par un plan serré vers un plan moyen, comme pour dire qu’il a besoin d’air, qu’il veut respirer.
Plan large et Gros plan
Dans un raccord de mouvement, le Pr Grant, qu’on a vu tituber plus haut, s’écroule, aidé par le Pr Sattler, laissant Hammond avancer au 1er plan qui leur annonce solennellement la création de « Jurassik Park ». Le corps de Hammond masque complètement les deux chercheurs : son attitude solennelle, son habit blanc, son regard déterminé le présentent comme le maître de la situation, le maître de son temps. Le temps des fouilleurs d’ossements est révolu, ceux-ci sont repoussés au deuxième plan.
Gros Plan – Très gros Plan
Le Pr Grant apparaît dans une attitude très préoccupée. Un zoom avant renforce son inquiétude et dramatise son expression, laissant deviner l’intérêt majeur que le scientifique a pour le parc. L’avancée de la caméra est amplifiée par une hausse du volume de la musique.
Plan général
Autre transgression de point de vue : le professeur est dans son propre point de vue, il a encore du mal à croire à ce qu’il voit. Les trois protagonistes, filmés ensemble dans ce plan, sont placés sur le point d’Or gauche inférieur du décor, comme s’ils étaient encore en-dessous de la réalité…
Plan rapproché poitrine
Le Pr Sattler se baisse et se met à la hauteur du Pr Grant. Ici, les articulateurs sont renforcés pour amener le plan suivant. Leur regard est toujours cadré sur les lignes de force. C’est elle qui vient vers lui, et maintenant ils ne font qu’un. Sa présence conforte et valide le constat du réel.
Plan général
Ici, le plan est rassurant : les créatures ne sont plus, comme dans le plan précédent, dans le champ transgressé du regard des scientifiques mais sont montrées dans leur existence autonome. Les professeurs ne rêvent plus : le parc existe bel et bien. Spielberg rétablit l’ordre des choses.
Très gros plan
Retour sur l’articulateur dans un plan plus serré que le 22b. Le Pr Grant est happé par la scène de ses rêves. Il a acquis la certitude de la réalité des dinosaures, il est dans le confort de la raison ; son sourire exprime le contentement.
Plan moyen :
Hammond recule pour venir se joindre aux chercheurs, dans une même attitude : ils sont désormais ensemble dans le même monde réel. Le plan est plus large que le précédent, en signe de détente. Si les scientifiques figurent au centre du cadre, on recentre sur la droite Hammond, qui est placé sur la ligne forte droite : il est le maître des lieux.
Gros Plan :
Voici un plan significatif qui appuie la fin de la séquence : un champ-contre-champ dans la même direction qui accompagne le dialogue entre les Pr Grant et Sattler et le PDG Hammond : les trois protagonistes regardent dans la même direction. Plan astucieux, car un champ-contre-champ conventionnel en face à face aurait tout gâché !
Conclusion :
Devant la résistance logique des spectateurs, face à l’évidence que les dinosaures sont une espèce éteinte depuis des millions d’années, Spielberg a adopté une mise en scène dramatique conventionnelle : un centrage dramatique allant crescendo jusqu’à un abîme : la réapparition des dinosaures au XXe siècle. Tout – la musique, le cadrage, la lumière est logique, harmonieux et parfait, sans artifices transgressifs. Mais cela n’est qu’une tactique de raptor ! Faire profil bas pour attaquer d’un coup décisif, en d’autres termes, faire une transgression de point de vue ! Peu importe les artifices trompeurs – on ne voit les dinosaures qu’à dix mètres, les Jeep changent de place -, l’important c’est que nous, spectateurs, soyons médusés et happés par la puissance des articulateurs de point de vue. Juste avant la découverte des dinosaures, les personnages sont tout regard, ils ne sont que regard ; l’insistance et la répétition s’appliquent à plonger le spectateur dans un état d’absorbtion… et c’est là que Spielberg attaque par un coup du lapin transgressif ! Avec un mélange de génie et d’art, Spielberg transforme la technique en affect. C’est ainsi, comme le signent les grandes œuvres, que l’imaginaire devient réel.
* Jean-François Tarnowski ,que ses élèves admirateurs appelaient « Tarno », était docteur ès Lettres, théoricien de psychanalyse et pédagogue et critique hors pair du cinéma. Proche de François Truffaut, Il a publié dans Positif, La revue du Cinéma, Starfix, plusieurs analyses de films plan par plan très pertinentes. Il nous a malheureusement quittés trop tôt, à l’âge de 57 ans. Pour plus de renseignements, voir les rendez-vous sur son site internet créés par son frère et ses anciens élèves. http://jftarno.free.fr
(1)
La première musique accompagne le trajet des voitures (démarrage avec les voitures, arrêt au moment où les voitures ralentissent). Le rythme est plutôt rapide et régulier (136 à la noire environ); par rapport au thème précédent, on se trouve dans une accélération qui dynamise le mouvement. La mélodie exprime à la fois de la gaieté (tonalité majeure, mélodie dynamique et joyeuse, flûtes et violons, réponses des cors et violoncelles) et de l’espoir (rythme mélodique régulier et entraînant, flûtes et harpes, percussions). On peut également noter une direction mélodique en octave descendante (fondamentale à fondamentale) qui exprime l’idée d’un atterrissage stable. L’harmonie est tonale et se centre respectivement autour du Ré b Majeur, Mi b Majeur et Fa majeur ; on a donc un mouvement ascendant par ton qui va dans le sens d’une dynamisation et une « montée joyeuse ».
(2)
Dans le découpage, il y a quatre solutions d’assemblage des plans coupés. Deux sont basés sur le mouvement : Sortie du champ ou Entrée dans le champ, et Raccord du mouvement. Deux autres sont basés sur le regard : Champ-contre champ, et Point de vue. Le point de vue ne raccorde que deux plans seulement mais il les dynamise. La règle est simple : on voit quelqu’un qui regarde dans un plan quelque chose (l’articulateur de point de vue) et, dans le plan qui suit, on peut voir son champ de vision (le point de vue).
(3)
La deuxième musique est en rupture totale avec la précédente : l’absence de tonalité pour s’y accrocher, des accords creux (pas de notes médium), un rythme irrégulier plein de surprises (ruptures), une orchestration particulière qui laisse la place à des instruments étranges (registres graves des cordes, cuivres et bois, avec des violons et des flûtes dans le registre haut) créent une atmosphère de suspense et de doute. La mélodie ici suit une direction ascendante qui accompagne le mouvement de la caméra et des personnages, cependant cette montée se fait dans une échelle chromatique qui enlève toute possibilité de centrage tonal. Quelque chose va se passer !
(4)
La troisième musique commence avec le premier plan sur un dinosaure. La tension se relâche totalement avec cette musique centrée sur la tonalité de Si majeur avec un rythme régulier et majestueux (55 à la noire). La mélodie comporte d’ailleurs très peu de mouvements (elle démarre sur la fondamentale et finit sur celle-ci). L’orchestration se fait plus douce avec la mélodie aux violoncelles, puis aux violons+bois et le soutien harmonique de tout l’orchestre. On est dans un univers extrêmement rassurant, c’est le paradis sur terre !
Remerciements:
Nathalie PLOYET pour la correction.
Gabriel FADAVI pour la partie Musique.
Réalisation: Steven Spielberg
Acteurs principaux: Sam Neill – Laura Dern – Jeff Goldblum –
Richard Attenborough -Joseph Mazzello – Ariana Richards –
Martin Ferrero – Bob Peck – Samuel L. Jackson – Wayne Knight
Scénario, roman : Michael Crichton
Screenplay: David Koepp – Malia Scotch Marmo – Michael Crichton
Montage: Michael Kahn
Musique: John Williams
Production: Kathleen Kennedy – Gerald R. Molen
Budget : 95 millions de dollars américains
Format: Son : Dolby Digital / DTS
Projection : 1.85 : 1
Production : 35 mm
Durée: 127 minutes (2 h 07 min)
Sortie: États-Unis : 11 juin 1993 France : 20 octobre 1993