Edward HOPPER: 
Edward HOPPER, graveur et peintre naturaliste de la scène américaine est né en 1882 à Nyack dans l’État de New York. Il travailla également sur des affiches, des gravures en eau-forte et des aquarelles. Une grande partie de l’oeuvre de Hopper exprime le conflit entre la nature et la vie moderne. Ses personnages sont souvent esseulés et perdus.
Il est issu d’une famille modeste de commerçants qui vendaient des articles de mercerie. Il a appris le métier d’illustrateur dans la « New York School of Art ». Pour compléter ses études entre 1906 et 1910, il fait trois séjours à Paris. Il visite également les Pays-Bas, Londres, Madrid, Tolède, Berlin, Bratislava et la Belgique. Il était sûrement à la trace des grands maîtres français, hollandais ou espagnol. Une trentaine de tableaux qu’il a peints en Europe sont réalisés essentiellement à Paris. Il s’agit d’oeuvres mineurs de sa carrière. En 1924, il se marie avec Josephine Verstille Nivison qu’il surnomme « Jo », ils achètent en 1933 une propriété au « Cap Cod » et y construisent un atelier.
De retour en Europe, persuadé que tout est fait en vieux continent, il ne travaille qu’en publicité et en illustration, les métiers qu’il n’aimait guère. Ce n’est qu’en 1925 qu’il achève le célèbre « The house by the Railroad » qui est considéré comme l’un de ses meilleurs tableaux ainsi qu’un point culminant dans sa carrière. Hitchcock a été inspiré par ce tableau pour la fameuse maison de Norman et de sa mère dans « Psychose ». Grâce à un don du millionnaire Stephen Clarck, ce tableau entre en 1930 dans les collections du Museum of Modern Art de New York. Le Whitney Museum of American Art acquiert la même année, le fameux « Early Sunday Morning » pour une somme importante.
En 1933, sa première rétrospective est organisée au Museum of modern Art de New York. Hooper est déjà célèbre à l’époque. Avant de faire partie du jury du « Carnegie Institute », il est élu membre du « National Institute of Arts and Letters » en 1945. Il expose en 1952 à la Biennale de Venise. Il a été ensuite « Doctor of Fine Arts » de » Art Institute of Chicago ». Hopper meurt le 15 mai 1967 dans son atelier à New York, suivi par sa femme dix mois plus tard. Les oeuvres de Hopper se trouvent essentiellement au « Whitnay Museum of American Art », au MoMA de New York et à « l’Art Institute de Chicago ».
Hopper, influencé par les impressionnistes, aimait également les Fauves, Vermeer et Rembrandt. Il n’a jamais été attiré par ses contemporains expressionnistes ou cubistes. Il préférait plutôt l’idéalisme des artistes réalistes comme Gustave Courbet, Daumier ou Millet. L’influence de ces derniers est perceptible dans les oeuvres de cette période comme « Le pavillon de Flore en 1909 ».
Le pavillon de Flore 1909 Huile sur toile, 60,3 x 73cm NY, Whitney Museum of American Art
Dans les années 1920, il commence à affirmer un style personnel avec des couleurs sombres, brunes comme « Tôt un dimanche matin » peint en 1930.
Tôt un dimanche matin 1930 Huile sur toile 88,9 x 152,4cm NY, Whitney Museum of American Art
Il s’éloigne ainsi de l’impressionnisme pour adopter les grands à-plats de couleurs et de contrastes. Les figures humaines apparaissent à la fin des années 1920 avec « Chop Suey » en 1929 ou « Tables pour les dames » en 1930.
Chop Suey 1929 Huile sur toile 81,3 x 96,5 cm Collection of Barney A. Ebsworth
Les thèmes de prédilection chez Hopper sont les paysages ruraux, l’architecture et les paysages urbains.
Les œuvres de Hopper sont caractérisées par les aplats (Un aplat ou à-plat, en peinture, imprimerie et arts graphiques désigne une surface de couleur uniforme de même nuance et même puissance). Hopper ne cherche pas à donner des nuances complexes et subtiles à son travail, ce qui le distingue aux impressionnistes. Ces masses colorées créent une ambiance de simplicité qui est renforcée par l’absence d’un point fuyant dans la perspective. La simplicité dans les couleurs, la perspective, les lignes et les couleurs, attribue à ses personnages d’une Amérique moyenne, une simplicité immédiate et superficielle.
CAP COD EVENING 1939 Huile sur toile 75 x 100 cm. Col de Mr & Mme John Hay Whitney
Dans le « CAP COD EVENING » l’herbe soufflé par le vent d’automne qui occupe la moitié du tableau, n’arrive pas à dynamiser l’ambiance générale de la scène. Le coucher de soleil a donné un côté serein et dramatique à la nature, quoique la lumière n’arrive pas à pénétrer dans les acacias si denses. La maison victorienne coupée de partout demeure mystérieuse et froide, rien ne se passe à l’intérieur, la porte est fermée et les fenêtres sont à moitié fermées, comme si rien d’intéressant ne se passait à l’intérieur de cette maison où les personnages se trouvent à l’extérieur. Les deux présences humaines qui sont réunies autour de la ligne forte droite sont figées et inanimées. Ces deux personnages sont presque écrasés par la présence massive de la nature. Ils sont à la fois époux et étrangers. Leur regard ne se croise pas. Il n’y a aucun de point culminant ou d’issue dans la perspective. Tout est « plat » comme la vie plate de ses modèles. Le seul être animé est le chien qui est attiré par quelque chose qui se trouve en hors-champs. Son esprit est également ailleurs. «Mon but dans la peinture, explique Edward Hopper, a toujours été la transcription la plus exacte possible de mes impressions les plus intimes de la nature».
Hopper a doté ce travail apparemment simple d’une forte, quoiqu’ambiguë, émotionnelle. Ambiguïté dialectique: clair/obscur, animé et statique, dynamique et inerte aboutissent à un « affect » non dégagé. La femme regarde l’homme, l’homme regarde le chien et ce dernier regarde hors-champ. Qu’est-ce que regarde le chien ? Nous ne le savons pas. Le sens de lecture est de la gauche vers la droite. Nous entrons ainsi dans un vide. Nous rencontrons seulement plus loin les protagonistes du tableau qui par leur direction de regard nous renvoient à leur tour vers le vide de gauche !
C’est le principe de l’angoisse, c’est à dire du non-aboutissement de l’énergie pulsionnelle vers l’affect.
Les tableaux de Hopper sont « Anti-Dramatique ». Dans les œuvres dramatiques, le spectateur via l’affect « établi entre le personnage et la situation » est constamment attiré vers un « centrage dramatique ». En absence de « l’affect manifeste » chez Hopper, nous sommes condamnés à rester en dehors et observer l’absence d’une relation affective.
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En l’absence des hommes qui sont au front pendant la 2° guerre mondiale, les femmes américaines sont massivement entrées dans le monde du travail. Auparavant, la présence de l’homme est rare dans les œuvres de Hopper. Ils entrent considérablement en scène en 1939 seulement avec « Ground Swell » (3 ou 4 hommes qui prennent le large, la guerre n’est pas loin)! Dans « GAS » peint en 1940, un homme se trouve seul dans une pompe à essence et ne fait rien ! Il n’y a ni client, ni voiture. On se demande où sont les hommes/clients ? Au front ?
GAS 1940 Huile sur toile 66,7 x 102,6 cm. Col MoMA N.Y.
« Summer evening » est le fruit de l’année 1947, deux ans après le retour de la guerre des soldats américains chez eux.
SUMMER EVENING 1947 Huile sur toile 75 x 105 cm. Col de Mr & Mme Gilbert H. Kinney
C’est une nuit d’été, d’où les vêtements légers des personnages. Une femme et un homme se trouvent devant l’entrée d’une maison. Une lumière dure et verticale qui provoque des ombres nettes éclaire la scène. Cette lumière qui assombrie leurs yeux ne nous permet pas de voir ces derniers, donc leurs sentiments. Ils sont entourés par une nature plongée dans le noir (il n’y a qu’une petite partie du gazon qui est éclairée). Les couleurs sont de teinte pastels et froides.
L’image est fortement cloisonnée par les lignes verticales et horizontales qui sont très marquées. Nous entrons par la gauche de l’image (sens de lecture), mais les personnages nous retiennent rapidement l’attention car ils se trouvent sur la ligne forte de droite. Il y a beaucoup de cadres dans des cadres : la porte est fermée, la fenêtre à moitié fermée, le cadre en bois derrière ne donne que sur l’obscurité. Ils sont dans les limites de la lumière et de l’obscurité. Ils sont entourés par les ténèbres, leur relation ne doit pas être facile. De quoi est-ce qu’ils parlent ? Sont-ils tristes ou gais? Nous ne le savons pas. Il n’y a que des barrières qui nous empêchent d’entrer dans leur univers. Ils ne se regardent pas, leur direction de regard nous renvoie de nouveau vers la gauche c’est à dire vers les barrières et les cadres, vers une porte fermée. Nous ne pouvons pas d’entrer dans cet univers. Nous sommes condamné à rester en dehors de leur relation. Nous avons affaire à un monde moderne, anti-dramatique et angoissant.
Hopper disait:
« Je n’ai jamais été capable de peindre
. . . . . ce que je me mets à peindre ».